Simon Roure

À propos de Simon Roure

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Simon Roure est auteur de bande dessinée et illustrateur. Il a grandi à Nîmes et étudié l’image et la narration au lycée Auguste Renoir à Paris, où il vit aujourd’hui. Sa première bande dessinée, Hors Cadre, dans laquelle il manie l’humour absurde, est sortie chez Warum en octobre 2023. Monstera est sa deuxième bande dessinée, son premier récit au long cours.

Ses publications

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Monstera
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Entretien avec Simon Roure

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Qui est Gabriel, le héros de Monstera ?
Gabriel est un jeune homme assez réservé et plein de convictions. Il est engagé, mais il est aussi aveuglé par le confort que la société lui apporte, car il correspond à la « norme ». Il est jeune, blanc, cis-hétéro, grand, fin, beau et il pense s’affirmer plus facilement en profitant de ces privilèges.

L’action et les personnages se situent à Paris. Quelles incidences graphiques cela peut-il avoir sur la mise en scène du récit, en termes de travail sur les échelles notamment ?
Le fait que l’histoire se déroule dans la capitale n’est pas anodin. Tout d’abord, c’est une part de mon vécu : Paris est la ville dans laquelle j’évolue et cela coulait de sourc  pour moi que Monstera se déroule dans ce cadre. Mes histoires, je les tire du réel plutôt que de mon imagination. Mon inspiration me vient des choses et des êtres qui m’entourent au quotidien, de mon ressenti personnel, de mon vécu. Par ailleurs, cela fait sens par « Monstera est un jeu de contrastes » rapport aux thématiques qui sont abordées dans l’album. Rien de plus parlant qu’une ville immense, séduisante et prestigieuse comme
Paris, capitale de la mode, pour représenter l’idée d’une société consommatrice omniprésente et écrasante, dont on ne peut échapper. Nous sommes tous esclaves du capitalisme, et je tenais à ce que cela transparaisse dans Monstera. Finalement, tout cet environnement est plutôt paradoxal : il écrase, étouffe, plaît et charme à la fois… Et c’est
un vrai plaisir de représenter graphiquement cette esthétique et toute sa charge symbolique qui l’accompagne.

Quelle est la technique que vous utilisez, qui vous permet de rendre compte de toute cette ambivalence ?
En ce qui concerne mon style graphique, j’ai essayé de trouver un équilibre me permettant d’atteindre sobriété et clarté. Je peux noyer mes pages de détails si et seulement si cela sert le propos et j’occulte tout ce qui n’est pas nécessaire à la compréhension. Ainsi, la couleur n’est là que pour mettre en valeur certains détails ou pour pointer un personnage. Il s’agit aussi de trouver un équilibre entre le côté « belles images » et le côté « dessin spontané ». On me demande souvent pourquoi mes personnages n’ont jamais de bouche. Mais si l’on rend tout trop explicite et immédiat, ça perd en saveur et en intensité… on s’habitue. Lorsque, d’un coup, le sourire de Gabriel apparaît sur une case alors que l’on n’avait rien vu de sa bouche depuis quinze pages, ce sourire devient une exception et c’est à cet instant précis que le sentiment qui s’exprime prend toute sa valeur ! Tout ceci rejoint mon envie de sobriété, de rayer l’inutile pour donner toute la lumière à l’essentiel. Techniquement, j’aime le contraste : le trait fin du stylo complété par le côté très texturé du fusain, la couleur unie en aplat numérique en corrélation avec les blancs de la page…

Il y a également un contraste entre la danse de Gabriel sur son longboard et les poses qu’on lui demande de tenir lors de castings ou de séances de shootings. Comment avez-vous travaillé toutes ces attitudes ?
Le mouvement à une place importante dans l’album car il appartient à l’expression de
soi et il est lié à la confiance en soi. Lorsque Gabriel fait du longboard, il exprime qui il
est, ses faiblesses, ses forces. Lorsque je le dessine en train de déambuler sur sa planche,
j’essaie de le faire de manière assez libre et lâchée, contrairement aux séquences de casting où tout est en effet très contrôlé. Il y a la volonté de jouer un rôle. Je prends en photo les mouvements avant de les dessiner pour faire écho à une sorte de norme que l’on connait tous et toutes.

Très vite au cours de l’histoire, Gabriel fait la connaissance de Lina. Leurs chemins se
ressemblent beaucoup mais leurs liens se distendent inexorablement. Comme avezvous bâti cette relation « en miroir » ?
Cela rejoint mon goût pour les contrastes ! J’aime l’impact que cela crée de mettre côte
à côte l’évolution de chacun, l’épanouissement de Gabriel dans le mannequinat et la descente aux enfers de Lina qui s’enfonce dans ses troubles du comportement alimentaire. Ce sont deux personnes extrêmement liées, mais hantées par le regard des autres à cause d’un système qui privilégie l’image que l’on renvoie, au détriment de tout le reste. On observe comment l’un encourage ce système et comment l’autre le subit, en
fonction de leur statut dans la société… Ce que je veux dire, c’est que la pression sur le
corps des femmes est énorme et destructrice. L’idéal de beauté féminine est non seulement inatteignable, mais il est aussi imposé afin d’être considérée comme « belle ». Je trouvais ça intéressant de montrer comment deux personnes aux vécu et statut différents vivent la même problématique et comment elles le gèrent (ou non) ensemble. Pour moi, c’est le cœur de Monstera.